J’écris aujourd’hui cet article qui est très important pour
comprendre la suite de mon blog.
Mon fils ainé est entré pour la première fois à l’école en
septembre 2011. Nous avons choisi l’école publique, tout simplement celle de
notre quartier (nous vivons dans une petite ville qui n’a rien d’une banlieue
chic mais qui est plutôt tranquille).
Avant que mon enfant aille à l’école j’étais persuadée qu’il
s’y plairait et qu’il y réussirait bien. C’était un bébé puis un jeune garçon
toujours souriant et facile à vivre. Il était très sociable. Il aimait lire
(regarder) des livres. Il aimait dessiner, chanter. Il s’intéressait aux
nombres écrits dès l’âge de 2 ans et demi. Il avait une bonne mémoire et une
bonne capacité d’adaptation. Un chouette gamin, bien dans ses baskets qui n’avait
rien d’un surdoué, mais qui pouvait réussir à l’école et s’y trouver bien.
Durant l’été 2011, il y a eu beaucoup de changements dans
notre vie. Nous avons déménagé dans la maison où nous nous trouvons actuellement.
Mon fils a changé de nounou. J’étais un peu inquiète quant à savoir s’il allait
s’adapter à tous ces changements, mais il s’y est fait très vite et était très
heureux. La rentrée scolaire en Petite section s’est bien passée. Il n’a jamais
pleuré pour aller à l’école. Ni le premier jour ni les suivants.
En octobre 2011, son petit frère est né. Là encore, je me
demandais s’il allait bien l’accepter, mais tout s’est bien passé ; il
faut dire que notre cadet est un bébé encore plus cool que le premier (du genre
qui ne pleure jamais et qui a fait ses nuits très vite – oui je sais on est
vernis de ce coté-là). Cela nous a laissé du temps pour nous occuper de l’aîné,
tout s’est bien passé.
Notre fils ne nous parlait pas beaucoup de ce qu’il faisait
à l’école. De temps en temps, il nous disait qu’il jouait aux petites voitures
et que c’était bien. Dans sa classe il y avait un garage, il pouvait y jouer à
l’accueil ou quand il avait fini un travail ; il nous parlait aussi de ses
copains.
Tous les lundis et mardi, je le déposais à l’école et tous
les jeudis et vendredi il y allait avec son papa. L’après-midi il ne restait
pas à l’école et dormait chez sa nounou. En apparence tout allait bien.
Pour mon mari et moi, l’année 2012 n’a pas été très joyeuse
sur le plan professionnel. Pour ma part, j’ai repris le travail à mi-temps le
jour des 3 mois de mon bébé. J’étais très déprimée par un baby blues. Je me
suis retrouvée dans une ZEP que je n’avais pas choisie, une école très violente
et j’ai eu une année scolaire assez chaotique. Mon mari n’était pas très
heureux dans son entreprise. Finalement, nous avons pris des décisions :
mon mari a changé d’entreprise et moi j’ai décidé de prendre un congé parental
à temps plein. Durant cette année scolaire, nous ne sommes pas beaucoup préoccupés
du vécu de notre fils à l’école. Ca avait l’air d’aller de ce côté-là.
Tout à la fin de l’année scolaire, en juin 2012, a eu lieu
la fête de l’école maternelle. Je me suis portée volontaire pour animer un
stand de jeu. J’ai donc vu mon enfant et d’autres enfants de l’école. J’ai
remarqué que mon enfant avait un comportement étrange. Il faisait le bébé,
agissait de façon incohérente, semblait « neuneu » par rapport aux
autres enfants y compris plus jeunes. Les enfants ont fait un petit spectacle,
c’était un chant, et mon fils a catégoriquement refusé d’y participer. A la fin
de la fête, la maîtresse a parlé à mon mari, pour lui dire que notre fils avait
de grosses difficultés scolaires pour faire le travail demandé et allait en
avoir aussi en moyenne section. Nous étions assez surpris car nous n’avions pas
réalisé cela avant.
Durant l’été 2012, mon fils a fêté ses 4 ans. J’ai tenté de
lui proposer de courtes séances de travail (sur papier car je ne connaissais
pas la pédagogie Montessori). Cela ne se passait pas bien. Mon fils suite à son
année de PS détestait écrire et dessiner. Je n’ai donc pas beaucoup insisté. Bien
qu’étant enseignante, je ne suis pas le genre de maman qui fait bachoter ses
enfants. J’ai préféré profiter des vacances pour me promener avec lui, rire et
jouer.
Il est entré en Moyenne Section et dès le 2e jour
j’ai fait connaissance avec le spectre de l’échec scolaire. Je savais que tous
les élèves n’étaient pas égaux face à l’instruction publique et l’instauration des
bulletins dès la maternelle. Mais j’ignorais qu’un jeune enfant de 4 ans
pouvait se rendre compte qu’il n’avait pas le niveau requis par les critères
bien établis des programmes. Dès le 2e jour, j’ai donc récupéré mon
fils en pleurs. Il m’a dit : « Je suis nul. On a dû découper des
étiquettes et je n’arrivais pas bien à découper. Je n’ai pas réussi mon
travail. » J’étais bouleversée et désolée pour lui ; je lui ai dit qu’on
allait s’entrainer à la maison et qu’un jour il saurait découper.
En Moyenne Section il avait la même maîtresse que l’année
précédente. J’ai appris à connaitre cette personne, car je me suis souvent
proposée (en tant que mère au foyer) pour donner un coup de main, accompagner à
des sorties… cette enseignante est une personne d’un certain âge, très
expérimentée en maternelle, très sérieuse, fiable, proposant des situations
pédagogiques variées et pas uniquement du travail sur fiche. Elle est appréciée
par la plupart des parents et des élèves. Par contre, c’est aussi une personne
très stricte, très intransigeante. Elle tient beaucoup à respecter coûte que
coûte sa programmation et est parfois angoissée par des détails qui n’ont
aucune importance.
Mon fils s’est mis petit à petit à avoir peur de cette
maîtresse. Mais il ne l’exprimait jamais. Il pleurnichait régulièrement pour se
lever les jours d’école. Il pleurnichait presque toujours après l’école. Il
était fatigué et stressé.
Une semaine après la rentrée, la maîtresse nous a vivement
conseillé de le mettre aux séances de soutien. En tant qu’enseignante je trouve
ça complètement nul le soutien. Je trouve ça injuste de stigmatiser des enfants
en difficulté. En tant que maman, je trouve ça horrible de laisser son enfant de
4 ans pour 7 heures de cours à l’école. Mais on a accepté. On s’est dit
peut-être que cela lui donnera un petit coup de pouce pour le graphisme, la
numération. Les séances de soutien ont duré toute l’année et n’ont servi à
rien.
Quelques semaines après la rentrée, je discutais avec la
maîtresse des difficultés mais aussi des réussites de mon fils à la maison.
Elle m’a dit que peut être mon fils n’était pas fait pour aller dans une école « classique »
et m’a proposé de l’inscrire dans l’école Steiner dans la ville d’à côté. Ca m’a
choqué car je n’avais jamais envisagé une école alternative comme un pis-aller.
« Mon fils, tu as échoué à l’école de la république alors je vais te
mettre là ; c’est ta dernière chance avant l’internat ».
Mon fils régressait dans certains apprentissages, par exemple
la numération. Durant tout le premier trimestre, il était incapable de compter
jusqu’à 3, alors qu’il arrivait un an avant.
Et puis il y a eu l’affaire des puzzles : un matin, en
octobre, la maîtresse m’a demandé de rentrer en classe par ce qu’elle ne savait
plus quoi faire. Elle m’explique que les élèves sont tenus de remplir un
contrat mensuel (à 4 ans ! en début de moyenne section !). Dès qu’ils
ont fini un travail, ils doivent choisir un puzzle parmi une série de 8 et
lorsqu’ils l’ont résolu, ils doivent coller une gommette sur leur fiche
personnelle. A la fin du mois ils doivent donc avoir fait les 8 puzzles.
La fin du mois approchait et mon fils n’en avait pas fait
un. Au début j’avais envie de sourire. J’ai failli rétorquer « Normal, mon
fils déteste les puzzles depuis qu’il est bébé, ça serait étonnant qu’il ait
envie d’en faire à l’école ». Au lieu de ça je me suis tue et je suis
entrée en classe pour aider mon enfant. Il devait résoudre un puzzle de 6
pièces, le plus simple de la série. C’était vraiment simple, il aurait dû
réussir très rapidement. Mais même avec le soutien de sa maman à côté, il en
était incapable. Il était paniqué. Il avait surtout très peur de l’erreur.
Heureusement, un de ses amis est venu gentillement l’aider. Les jours suivants,
il a dû faire des puzzles tous les jours pour « rattraper son retard ».
Durant les congés qui ont suivi j’ai fait « des devoirs » avec mon petit
garçon de 4 ans : des puzzles, des dessins, de la numération… Et quand
nous avons reçu les documents écrits de la première période, la fiche des
puzzles comportait en rouge la mention « n’a pas réussi à remplir le
contrat 8 puzzles dans le mois ». Une remarque extrêmement négative alors
qu’il avait réussi 7 puzzles sur 8, ce qui est une belle progression !
Il y a encore de nombreux épisodes dans ce genre-là, que je
ne vais pas détailler ici. Mon fils n’était pas le seul élève en difficulté,
mais c’est un enfant très sensible et qu’il s’est senti blessé et stigmatisé. A
la fin de l’année scolaire, une conversation avec l’instit ma confirmée qu’elle
était persuadée que mon fils aurait de grosses difficultés durant toute sa scolarité.
Durant cette année scolaire de MS, je suis passée par tous
les états : l’incrédulité, une vive inquiétude, un espoir (grâce à mon
stage Montessori en février), la résignation quand mon enfant faisait toujours
du soutien en 5e période.
J’ai toujours été très coopérante avec la maîtresse. Je ne
pense pas que se disputer avec un(e) enseignante puisse aider mon enfant. Je
défendais souvent mon enfant en parlant de ses progrès à la maison et de ses
centres d’intérêt évolués (géographie, sciences).
Ce qui est sûr, c’est qu’en moins de deux ans, mon fils a
fait l’expérience douloureuse de l’échec scolaire. L’école l’a changé et pas en
bien. Je n’aurais jamais pu imaginer que cela puisse lui arriver. Et c’est un
peu égoïste à dire, je n’aurai jamais pensé, que moi, personne ouverte et
cultivée, moi qui suis maîtresse d’école, puisse avoir un enfant qui déteste l’école.
Alors pourquoi l’école
transforme-t-elle des enfants brillants en candidats à l’échec scolaire ?
Est-ce à cause des programmes super chargés qui poussent les
enseignants – même les bons – à privilégier le respect de la programmation et
la quantités de leçons plutôt que la qualité du travail fourni ?
Est-ce à cause de certains enseignants qui ne peuvent s’empêcher
de coller des étiquettes de bons ou mauvais élèves sur le front des enfants qui
leur sont confiés ?
Est-ce à cause des parents qui comme moi, ne passent pas tout
leur week-end à faire bachoter leur marmot de 4 ans ?
Est-ce à cause de mon fils qui fait exprès ne pas comprendre ?
Exprès d’avoir cet air hébété en classe alors qu’il pose des questions si
intelligentes à la maison ? Qui fait exprès de jouer ou de rêvasser en
classe au lieu d’écouter les consignes ? Franchement, quand je le voyais
évoluer en milieu scolaire je me disais parfois : « quand on le voit
on se dit que c’est un gentil gamin mais qu’il n’a pas inventé l’eau chaude ».
Moi-même, en tant qu’enseignante, aurais-je réussi à voir derrière ce regard
vide cette lueur d’intelligence ?
Est-ce à cause des classes surchargées de 31 élèves en
maternelle ?
Est-ce à cause de la pédagogie ? Aurait-il été plus à l’aise
dans une école Montessori ?
L’échec scolaire reste un mystère pour moi. Si vous avez des
idées là-dessus, faites en part dans les commentaires.
Il y a des points positifs pour mon petit garçon de 5 ans …
-
A la fin de l’année scolaire, la maîtresse a été
malade et remplacée par un maître. Mon fils s’est sentit plus à l’aise et ses
résultats se sont soudainement améliorés. Ce qui prouve qu’au CP, avec un enseignant
différent, tout se passera sans doute très très bien pour lui.
-
J’avais décidé de faire école à la maison, en
grande partie par choix personnel et par passion pour les idées de Maria
Montessori. Et bien cette année de break scolaire sera plus nécessaire que je
ne l’avais imaginé pour mon garçon. C’est une chance que durant cette année de
grande section il puisse progresser à son rythme.
Des interrogations, des difficultés subsistent :
-
Nous avons démarré l’IEF depuis 2 semaines, et
la parole de mon enfant se libère. Il ose enfin me dire qu’il n’aimait pas son
enseignante de maternelle. Il me parle aussi du système de notation avec des « bonhommes
qui sourient et des bonhommes tristes ». Il n’aimait pas avoir des
bonhommes tristes sur son travail.
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Il adorait les activités Montessori de février à
fin août et depuis septembre, depuis que je lui ai dit « le matin on fait ECOLE
à la maison », il est très réticent et très difficile à convaincre pour se
mettre au travail ;
-
Cette situation ne durera qu’un an. J’espère que
d’ici là il aura retrouvé suffisamment confiance en lui pour réussir au CP.